Ces jours ci, que ce soit sur ma page Netvibes ou en tête de gandole des articles du site des inrocks, un mot au dessus des autres : THRILLER, oui on fête le trentenaire de la sortie de l'alboum le plus vendu, l'objet manufacturé peut être parmi les plus vendus de toute l'histoire, le brahmapoutre est un fleuve impur qui charrie avec lui des alluvions de toute sorte, on a décidé de publier le texte d'un pote - avec son aimable autorisation - texte comparatiste , relevant de sa passion pour deux des sommets de la musique populaire étasunienne ala oua houa : Elvis et Michael, le texte a été écrit en hommage à Michael, un an après sa mort. Non, ne me remerciez pas.
Heartbreak Hotel
par Y.B
(Hôtel des cœurs brisés)
Un même titre pour deux chansons différentes au thème poético-funèbre
identique, requiems aussi prémonitoires, ésotériques et tragiques que l’Ad
Aeternam qui eut la peau de Mozart.
Wolfie et Bambi, même combat et même défaite ? Ou même victoire ?
Voici comment ce Heartbreak Hotel janussien unifia la face bicolore de la grise Amérique contemporaine en
tuant Elvis Presley et Michael Jackson, leurs auteurs-interprètes.
En guise de pénétration
Les USA ne sont pas un « empire », comme on ne
cesse de se l’entendre chanter sur tous les tons par les brigades déclinistes,
mercenaires du présent biaisant avec l’évidence qu’on ne peut parler
d’impérialisme sans qu’il y ait eu à la clé quelque colonie.
Les USA sont un « royaume », dont l’histoire du XXe
siècle se joua au tempo de partitions musicales R’n’B’ similaires, mais à
l’envers…
Ce royaume a deux Rois : le premier est blanc et
s’appelle Elvis Presley ; le second est noir et s’appelle Michael Jackson.
Le Roi blanc fut proclamé « The King » par le bon peuple WASP ;
le Roi noir s’autoproclama « The King of pop », sans attendre que ses
copigmentés mélaniniques, qui n’en espéraient pas tant, n’osent le faire.
Histoire de la musique et musique de l’histoire
Martin Luther King avait un « rêve ». Il meurt
avant de le voir se réaliser. Son assassinat a lieu en 1968 à Memphis
(Tennessee), futur tombeau d’Elvis, de retour cette année-là de ses errances
cinématographiques avec son ’68 Comeback
Special sur NBC, show télé intimiste où il reprend ses standards en version
acoustique, entouré d’une petite audience hystérique face à cette résurrection
pascale et accompagné de ses cinq musiciens des débuts. Opération
avant-gardiste : c’est le premier concert unplugged de l’histoire, concept que reprendra plus tard MTV, la
chaine musicale mythique.
Un an après la mort de Martin Luther King, le fameux I have a dream commence à prendre forme
par la grâce du premier hit des
Jackson Five, I want you back, dans
lequel la voix virtuose et cristalline de l’encore petit prince Michael, alors
âgé de onze ans, semble autant réclamer le retour de sa bien-aimée que celui du
King Martin Luther.
Un an avant la mort de Michael Jackson, le rêve du pasteur
noir se réalise avec l’élection de Barack (Hussein, ajouterait le subtil
chansonnier Yvan Roufiol) Obama, premier président noir des Etats-Unis
d’Amérique. L’heureux élu né à Hawaï, archipel d’adoption de Presley, est bien
ingrat : il n’invite pas M.J. à sa cérémonie d’intronisation. Les gens,
quel que soit leur état-civil, n’aiment pas être redevables. It’s Human nature, titre phare de l’album Thriller (façon de parler, quand sept des
neuf titres ont cartonné en singles…)
Quoiqu’il en soit, pour Michael, le job est fait. The King
of Pop peut se « suicider de mort naturelle », tel un bon gentleman
surendetté du XIXe siècle. Plus christique que Presley, (c’est un
Michael mis en croix qui sera d’ailleurs sur l’affiche de son spectacle avorté This is it), l’ancien Témoin de Jéhovah nous
confirme le message de Jésus : « (s)on royaume n’est pas de ce
monde », il veut « rendre à César ce qui lui appartient », tel
qu’il le chante dans Destiny, superbe
extrait pop de l’album éponyme de la fratrie Jackson (1978) : « Life ain’t always material things / (…) I wanna be far from here / Should I up and
fly away so fancy free / (…) I look to greet the stars » (La vie n’est
pas que matérielle / je veux m’éloigner d’ici-bas / dois-je pour cela m’envoler ?
/ je tiens à saluer les étoiles)
« Tirez le rideau, la farce est jouée »
This is it (On arrête là) est le titre d’un ultime
come-back scénique qui n‘a pour le coup plus aucune raison d’être. Lors de la conférence de presse
annonçant ses adieux au music-hall, il use de l’expression « This is the final curtain call »,
soit le dernier lever de rideau. En prenant définitivement congé quelques semaines
avant le coup d’envoi des 50 shows prévus, Michael remet Sartre à sa
place : l’existence peut de
nouveau prendre le pas sur l’essence.
Pour les siècles des siècles. Acta est
fabula.
L’invention de l’adolescence
Avec ses premiers enregistrements amateurs chez Sun Records
(petit label de Memphis fondé par Sam Phillips, le Docteur Frankenstein du
Rock’n’Roll), Elvis Presley, dans le sillage de James Dean et de sa fureur de
vivre, vient d’accoucher sans le savoir de l’ « ado », catégorie qui,
après celle des enfants et des adultes, crée un troisième marché, devenu le
plus juteux à ce jour, avec l’extension du domaine de la puberté jusqu’à l’âge
de la mort de Jackson, soit 50 ans... Pari réussi pour Peter Pan, à l’heure où
les quadras et quinquas sont aussi accros aux jeux vidéo que leur progéniture
twitteuse.
L’adolescence : un brevet dont l’intérêt est davantage
économique que sociologique.
RCA Victor, alors la plus grande Major américaine, affute
ses canines pour signer et vampiriser Elvis, accro au Blues et au Gospel, wigger du Mississipi (blanc et noir à la
fois, mot-valise contractant white et
nigger, et qui sera appliqué plus
tard au rappeur Eminem, originaire de Detroit, berceau de Motown, première
maison de disques de Bambi… ou comment l’histoire-géographie nous rend aussi
dubitatifs que la numéro-gogo-logie et autres astro-horlogeries.) RCA veut
« un Blanc qui chante comme un Noir », histoire d’encanailler les visages
pâles sans avoir l’air d’y toucher.
De la même manière, CBS a plus tard la même démarche avec
Michael, cette fois à des fins de crossover
(entreprise entamée par Berry Gordy, fondateur et Boss de Motown, afin d’emmieller
la musique noire et ainsi attirer les abeilles WASPs vers les fleurs carnivores
de la Soul). CBS veut ce chanteur noir dont le charisme d’homme-enfant
rassure l’audience blanche, lui permettant ainsi de groover sans avoir
l’impression de trop se salir les pieds. Ils le piquent donc à Motown avec ses
frangins, excepté Jermaine, coincé par son mariage avec la fille de Berry Gordy
et remplacé par le tout jeune Randy.
Une même feuille de route, donc, mais prise à
contresens : celui de l’Histoire.
Le clash racial
Comme Elvis, devenu inconsciemment le wigger de service, Michael, en toute âme et conscience, devient le Uncle Tom assumé de CBS, la nouvelle
plus grande Major du moment, (Bounty,
dirait-on en France, en référence à la barre chocolatée noire à l’extérieur,
blanche à l’intérieur). C’est le prix à payer pour faire de Thriller, paru à la veille de Noël 1982,
l’album le plus vendu de tous les temps avec ses 100 millions d’exemplaires écoulés,
aux 8 Grammy Awards, où la musique devient indissociable des trois vidéoclips
matriciels de Billie Jean, Beat it et le révolutionnaire
court-métrage Thriller shooté par
John Landis, qui ouvrent les portes de la javellisée et monopolistique chaîne
musicale MTV aux autres artistes noirs. Mais non sans mal. « Qui veut la
fin veut les moyens », théorise Trotski dans Leur morale et la nôtre. Quoiqu’un tantinet plus capitaliste que le
fondateur de la IVe Internationale, Walter Yetnikoff, président de
CBS Records, menace Ku Klux Klan TV
(surnom donné à MTV par les Noirs, mais vous savez comme ces gens-là aiment à
donner parfois dans la victimisation…) de convoquer une conférence de presse où
il dira tout bas ce que les niggers
pensent tout haut : MTV est raciste. Raciste, certes, mais pas téméraire. La
chaine musicale cède assez vite en diffusant la vidéo de Billie Jean en Mars 1983. Le standard téléphonique de la Maison saute
et la frontière raciale prend l’eau. Un mois plus tard, c’est au tour de Beat it, avec sa chorégraphie qui
réussit là où l’esperanto a échoué : Michael vient d’inventer une
novlangue universelle façon bodylanguage.
Nous en aurons la preuve éclatante lors des flashmobs
qui suivront la disparition du King of Pop, happenings dansants où des foules
massives et synchronisées reprennent « mot pour mot » la choré
jacksonienne, phénomène parti de Suède et qui se répand dans le monde entier à
la vitesse de la lumière de l’étoile morte, allant jusqu’à pénétrer les prisons
chinoises et la Oumma musulmane. A sa
mort, Ben Laden n’a pas eu droit à telle messe funéraire et planétaire, sans
précédent dans l’histoire. Détruire des tours jumelles se révèle moins rentable
pour la postérité que raser gratis la seule tour de Babel.
L’ « empire » contre-attaque
The rest is History,
comme on dit : à partir de Thriller
va se mettre en marche la fusion des hit-parades noirs et blancs. Désormais, ce sont les White entertainers qui singent
les « singes » d’antan (apes,
en anglais ethnodifférencialiste). Ne citons que Justin Timberlake,
« ami » de Michael, parce qu’il est vraiment trop chou… It don’t matter if
you’re black or white (aucune importance que tu sois noir ou blanc), chante
alors Jackson en 1991, sur l’album titré, c’est le cas de le dire, Dangerous, histoire de boucler la
boucle, avant d’entamer sa descente aux enfers en 1993, (in)juste retour de
flamme de son impardonnable coup de maître qui relègue Prométhée au rang de
vulgaire voleur de briquet. Aux USA, Dieu est plus blanc que blanc. La sanction
s’impose. Va pour deux arnaques à la pédophilie à celui qui y prête le flanc à
merveille par son obsession de tout lisser : ni noir, ni blanc, ni sexué,
jouant la carte ado à fond, dans le sillage de l’Elvis des débuts, s’arrangeant
systématiquement pour que les images du Roi nègre entouré de gamins soient
filmées et vite mises en boite, avant qu’il ne retourne au vrai business avec ses
armadas d’avocats, executives et financiers.
Son ranch de Neverland, pays de Peter Pan ? Une mauvaise blague dont
l’effet boomerang aura vite fait de le décapiter.
« Pédophile, forcément pédophile », aurait décrété
Duras dans les colonnes de Libé…
Quant à Jordan Chandler, la pseudo-victime d’attouchements sexuels attribués
à Michael Jackson se rétracte en 2009, cela ne change rien à l’affaire. Lors du procès de 2003, il est décrédibilisé
par l’avocat de la défense qui prouve sans trop se casser que les géniteurs du gamin
ont déjà tenté de soutirer de l’argent dans un procès similaire et obligé leurs
enfants à mentir sous serment. Jordan Chandler déclare après la mort de sa
victime : « Je n’ai jamais voulu
faire de mal à Michael Jackson, mais mon père m’a contraint à raconter ces
mensonges. Je ne supporte plus de mentir. Michael Jackson ne m’a jamais rien
fait, je n’ai raconté cela que pour enrichir mon père. Désormais je ne
peux plus dire à Michael que je suis désolé et lui demander pardon. Je ne
saurai jamais s’il me pardonne ». La famille Jordan négocie de toute
façon ses millions de dollars car Jackson ne veut pas de procès qui
parasiterait la tournée Dangerous,
déjà trop chère, déficitaire et financée avec ses fonds propres. Ecoeuré, il se
voit en fin de compte obligé d’interrompre son éreintant mégashow. Le mal est
fait.
Même topo avec la deuxième affaire, en
2003, mais cette fois, Michael refuse de payer la famille de Gavin Arzino,
tribu à moitié sociopathe et bien connue des services sociaux. Trop c’est trop.
Avant que Jackson ne soit disculpé des 10 charges pesant contre lui, nous
apprenons au passage, vidéosurveillance de la plainte à l’appui, que les policiers
en poste ce jour-là trouvent que rien ne colle chez ce garçon au regard fuyant,
nerveux, qui vient pourtant de prendre peu auparavant des cours de théâtre
accélérés pour paraître crédible lors de sa déposition… Les flics ne sont pas
dupes, mais transmettent la plainte. Suit une perquisition où le seul matériel
pornographique trouvé, vidéos et magazines, est celui d’un hétérosexuel refoulé
et outé par la force de la loi. Peter
Pan se révèle un branleur par défaut, hanté par l’idée que ses coucheries clandestines
avec des femmes ne soient dévoilées et choquent les petits « nenfants »…
Les gosses, son plus gros investissement à long terme, le B.A.-BA de
l’industrie du divertissement à l’américaine.
A ce jour, Marguerite Duras n’est
toujours pas revenue sur ses propos.
Fin de la corrida orchestrée par les
matadors chargés d’une Reconquista de 16 ans. Le plantage de banderilles, si
l’on dissocie le lynchage de 2003 de celui de 1993, aura duré deux ans, du 6
février 2003 au 13 juin 2005. La mise à mort a lieu quatre ans plus tard,
presque jour pour jour, le 25 juin 2009 ; estocade portée par le « négligeant »
Docteur-dealer Conrad, engagé par AEG, le producteur-prédateur de la tournée This is it.
Heartbreak Hotel 1956
Après avoir commencé par la fin, finissons par le début, à
savoir l’origine de cette saga dont le véritable point de départ est l’année
1956, avec la sortie de la chanson Heartbreak
Hotel d’Elvis Presley. Ce dernier vient de quitter le label local Sun
Records, avec en ligne de mire l’ambition d’une carrière internationale, grâce
à un deal avec le géant RCA Victor. Le titre est composé par Mae Boren Axton,
une prof de lycée ayant ses entrées dans le show-business, et Tommy Durden, auteur-compositeur.
Mae Axton dit avoir été inspirée, et surtout choquée, par un article paru dans The Miami Herald : il s’agit d’un fait divers sinistre où un homme
qui, après avoir détruit ses papiers d’identité, se suicida en sautant par la
fenêtre d’un hôtel, laissant derrière lui cette simple note : « I walk a lonely street » (Je marche
dans une rue solitaire). Elle décide de rajouter un hôtel des cœurs brisés au
bout de ladite rue, et le titre, peaufiné par Tommy Durden, devient Heartbreak Hotel.
La malédiction se met en place et les dès sont jetés tels un
mauvais sort.
L’enseignante instigatrice du projet propose aux Wilburn Brothers d’enregistrer le
titre avec Elvis. Ils refusent. Question d’argent ? Pas du tout. Ils
trouvent la chanson « étrange et morbide ». Pas très Rock’n’Roll,
quoi… Mais pour d’obscures raisons, Elvis est fou du morceau, persuadé qu’il
sera son premier hit chez RCA. Ce blues sombre et néanmoins classique dans sa
construction en huit mesures de base l’obsède, au point qu’en l’enregistrant,
il se l’approprie en retouchant le tempo, les paroles, la mélodie, jusqu’à
l’ensemble de la direction artistique. Tommy Durden, qui en a ébauché la
première version est atterré : il ne reconnaît pas sa chanson. C’est ainsi
qu’Elvis Presley sera crédité sur le disque comme auteur-compositeur, aux côtés
d’Axton et Durden.
Mais chez RCA, tout le monde est catastrophé. Ils ne
pouvaient imaginer pire choix pour lancer leur nouveau poulain destiné à
mouiller les culottes (et les slips…), vendre des posters, tee-shirts et autre
merchandising. Comment « inventer l’adolescence » avec ce requiem en
hommage à un anonyme en bout de course qui se défenestre après avoir brulé ses
papiers et toute trace de son passage sur terre ?
Sam Phillips lui-même qualifie le résultat de « messe
morbide », à l’extrême opposé de ce que RCA attend de lui. Mais Elvis ne lâche pas l’affaire. Loin de là.
Et surtout, il refuse de donner la moindre explication, de transiger un tant
soit peu. Des mois de négociations, joutes d’avocats à l’appui, finissent par lasser
les pontes de RCA qui baissent les bras : OK pour ce qu’ils qualifient comme
un faux départ, comptant bien faire cracher la monnaie avec les titres
suivants. Sans compter que le refrain tombe sous le coup de la loi pour incitation
au suicide : « I’ll be so
lonely I could die » (Je serai si seul que je pourrais en crever.)
RCA fait toutefois de Heartbreak
Hotel la discrète face B du 45 tours I
was the one, mis sur le marché le 27 juin 1956, mois où le chanteur fête
ses 21 ans. A la surprise générale, exceptée celle d’Elvis, c’est cette face B
qui, en deux mois, atteint la première place des pop charts et des country
charts… et la cinquième place des R’n’B
charts.
Résultat des courses : Heartbreak Hotel est la meilleure vente de l’année 1956 aux USA,
numéro 1 pendant 27 semaines en dépassant allègrement le million d’exemplaires.
Même chose en Angleterre, mais pour seulement… 22 semaines. Et kif-kif un peu
partout ailleurs. Ce n’est plus du crossover,
c’est la mondialisation en marche.
Aussi fiers de leurs ventes que chafouins d’avoir été menés
par le bout du nez par le plouc de Tupelo, ils osent la question :
« Elvis, pourquoi étais-tu aussi sûr de ton coup ? » La réponse du
taiseux à la voix d’ultime crooner rock : « I just thought people could relate to this » (Je pensais
simplement que les gens pouvaient s’identifier à cette histoire…)
Heartbreak Hotel 1980
Difficile d’imaginer que Michael Jackson n’a pas cette
épopée en tête quand il écrit, compose et arrange seul « son » Heartbreak Hotel, sorti dans Triumph, l’avant-dernier album des
Jacksons… trois mois avant de fêter ses 21 ans, âge où Elvis sortit sa version...
L’album devient numéro 1, notamment avec l’épique Can you feel it, somptueusement clippé par Steven Spielberg, après
huit années durant lesquelles le groupe végétait.
Mais pour Michael, le titre clé est Heartbreak Hotel, même si ce dernier ne dépasse pas la 22e
place des pop charts et la 2e
(tout de même…) des R’n’B charts.
Pourquoi cette obsession, comparable à celle d’Elvis, vis-à-vis de ce pendant
gothico-funk du blues crépusculaire de 1956 concocté par le King ? Simplement
parce que le futur King of Pop n’a pas avalé les « minables » 20
millions d’exemplaires vendus d’Off the
Wall (1979), son premier véritable album solo international produit par
Quincy Jones, avec le renfort de Stevie Wonder, Paul McCartney, Rod Temperton
(compositeur des singles Off the Wall et du monstrueux Thriller), et où figure le smash
hit de disco symphonique Don’t stop (‘till
you get enough). Comme dit plus haut, MTV n’est pas de la partie, tout
comme la bible musicale et culturelle Rolling
Stone Magazine, qui lui refuse la Une sous prétexte que « les Noirs ne
font pas vendre le journal. » On peut sans doute trouver là une des explications
de la première métamorphose physique du leader des Jacksons qui, sur la
pochette en noir et blanc de Triumph,
est le seul à ne pas arborer la coupe afro de ses frères ; ses cheveux
sont déjà un chouille défrisés, sa peau plus claire… en attendant la
transformation de l’essai deux ans plus tard avec Thriller… et les autres mutations physiques, pour le meilleur, puis
le pire.
Ayant allumé son cierge sur l’autel de Presley, sa prière
est donc payante. Ou plutôt très chère payée… Il reprend quelquefois au mot
près les métaphores d’Elvis. D’ailleurs, on lui interdit l’A.O.C. Heartbreak Hotel, créée 25 ans plus tôt par
le Roi blanc, en lui imposant le titre This
Place Hotel. Michael, têtu comme cet « âne » d’Elvis, s’en tape
le coquillard et le titre original s’impose de nouveau. Paroles et musique sont
néanmoins
plus sophistiquées, frisant l’occultisme et la paranoïa, en
forme d’un flashback ambigu sur le lieu où la femme de sa vie l’a quitté dix
ans auparavant, après l’avoir accusé à tort de l’avoir trompée : le
« I’ll be so lonely I could die »
devient sous la plume du futur auteur de Billie
Jean, « This is scaring me »
(Ca me fout les jetons) ; on y retrouve les rimes entre room et gloom (chambre et glauque) ; la tenancière présente les mêmes
traits faisant songer à une sorcière : « The desk clerk’s dress in black » pour Elvis (la
réceptionniste est habillée en noir), « That wicked woman runs this strange hotel » pour Michael
(cette méchante femme dirige cet étrange hôtel). Comme si The King of Pop reprenait
tout à zéro en choisissant le point de départ du King. Il tient aussi compte du
conseil donné par son inspirateur décédé trois ans plus tôt et qui a fait un
copier/coller de la note d’adieu du suicidé de l’article du Miami Herald : « Well, if your baby leaves you / and you got
a tale to tell / well just take a walk down Lonely Street to Heartbreak Hotel »
(Si ta bien-aimée te quitte et que tu as une histoire à raconter, emprunte
cette rue de la solitude jusqu’à l’Hôtel des cœurs brisés). Michael commet
cependant une omission fatale : il ne tient pas compte de cette conclusion
de mauvais augure : « … where
you will be so lonely you could die » (… où tu seras si seul que tu
pourrais en crever.)
Mise en garde d’outre-tombe dont l’éternel manchild ne tient pas compte.
Tout ce qui monte converge
Titre prémonitoire, pour ne pas dire précognitif : les Rois
déchus finissent tous deux gavés de drogues, le premier obèse, le second
rachitique, entourés d’une cour de requins lèche-culs, espèce mangeuse d’hommes
et de mythes, comptant bien faire encore plus de fric une fois leurs proies digérées
corps et biens ; mission accomplie dans les deux cas par les aréopages
cannibales.
Ainsi s’achève cette drôle de guerre Black Vs White : aussi tragique que pathétique.
Chacun crèvera
dans son Heartbreak Hotel particulier :
Graceland pour Elvis, Neverland pour Michael (cherchez la rime,
encore une fois), Michael qui pousse son obsession jusqu’à se taper la fille de
celui qui lui avait montré la voie, Lisa-Marie Presley. Le jour de la mort de
son ex-époux, celle qui partagea sa vie pendant deux ans rapporte sur son blog un
épisode qui l’avait glacée : « Il y a plusieurs années, Michael et moi parlions de la vie en général.
Il m'a regardé droit dans les yeux et m'a dit très calmement : j'ai bien peur de finir comme Elvis ». Elle ajoute : « Ma quête pour le sauver de son comportement autodestructeur et
de ses démons m'a rendue malade, fatiguée émotionnellement et
spirituellement. » Père et mari finissent en parfaite symétrie
dans une mégasolitude à la mesure de leur mégacélébrité : chacun part en
posant un lapin à son public : en août 1977 et en juin 2009, Elvis Presley
et Michael Jackson laissent leurs ouailles sidérées, tickets en main, pour une
série de concerts qu’ils ne pourront honorer ; rares sont les spectateurs
qui demandent à être remboursés, conservant leurs billets telles de pieuses
reliques ; les producteurs y trouvent leur compte, cependant que leurs cashmachines trouvent la paix dans des
cimetières aux noms qui font étrangement écho : Forest Hill Cemetery pour The King, Forest Lawn Cemetery pour The King of Pop.
Jamais deux sans trois
Un matin, nous ouvrirons le journal (ou plus
vraisemblablement notre laptop ou notre smartphone) pour apprendre le décès de
Whitney Houston, l’une des plus grande top
female vocalist sur le déclin, par overdose, suicide ou autre mort
relativement naturelle. Elle l’aura cherché. En 1998, dans son album My
love is your love, elle interprète une ballade R’n’B sirupeuse consommée
sans modération par son public. Son erreur ? Avoir accepté le titre
proposé par les auteurs Karlin, Savage et Schack : Heartbreak Hotel….
Y.B
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